
Damso clôture une décennie de rap avec BĒYĀH : décryptage complet de son ultime album (2025)
Date de sortie et contexte
Attendu depuis près de trois ans et intensément teasé sur les réseaux sociaux, BĒYĀH est disponible depuis le . Le projet paraît sur le label indépendant de l’artiste, Trente-quatre Centimes, en licence avec Universal Music. Cette sortie marque un moment charnière : Damso avait déclaré que ce sixième opus serait son « dernier long format », venant boucler une carrière lancée en 2015 avec Batterie Faible. Le public francophone l’attendait d’autant plus qu’en novembre 2024, le rappeur confiait à Le Monde son envie de « quitter l’industrie musicale devenue ennuyeuse ». Cela n’a fait qu’alimenter la curiosité autour de ce que beaucoup appellent déjà son “chant du cygne”.
Une stratégie de teasing millimétrée
Tout commence le 23 janvier 2022, lorsque Damso remplace soudain ses avatars sur X, Instagram et TikTok par une simple date : « 30/05/2025 ». Les mois suivants, il parsème ses stories de symboles « ⏳ » et publie de courts extraits instrumentaux qui deviendront plus tard « Impardonnable » et « Magic ». Le compte à rebours Spotify, mis en ligne début avril, franchit le cap symbolique du million de pré-saves la veille de la sortie – un record pour un artiste francophone, visible sur la page pré-release officielle. Enfin, le 24 mai, la radio Générations relaie la tracklist complète, confirmant un unique duo humain (Sarah Sey) et un featuring avec… une intelligence artificielle.
Concept artistique et thèmes
Contrairement au rouge flamboyant de QALF ∞ ou aux teintes sépia de LITHOPÉDION, l’artwork de BĒYĀH se veut ultra-minimaliste : fond noir velours, titrage blanc terminé par un point final évocateur. Dans un post Instagram, Damso explique vouloir « fermer la boucle » en revenant à la dualité ombre/lumière qui traverse toute sa discographie. Sur le plan lyrique, il convoque la paternité (« Qui m’a demandé »), la violence systémique (« Police »), la santé mentale (« Impardonnable ») et la spiritualité (« Fibonacci »). Des séquences en lingala, wolof et espagnol soulignent une identité plurielle, tandis que la présence d’une IA pose la question du rapport entre l’humain et la machine dans l’art.
Tracklist détaillée et collaborations
L’album contient quinze pistes pour 46 min 59 s ; leur ordre a été confirmé simultanément par Spotify et Apple Music. Deux collaborations seulement ponctuent le disque : Sarah Sey sur « Pa Pa Paw » et une IA vocale sur « Magic ». Voici la tracklist commentée :
- Impardonnable – confession sur le cycle faute/rédemption (3 min 10)
- JCVDEMS – clin d’œil à Jean-Claude Van Damme et auto-dérision (2 min 57)
- Love is blind – ballade R&B crépusculaire (3 min 42)
- Pa Pa Paw (feat. Sarah Sey) – afrobeats solaire (3 min 31)
- Magic (feat. I.A.) – rap futuriste et deep fake vocal (3 min 29)
- Wolof – hommage aux racines ouest-africaines (4 min 05)
- Qui m’a demandé – critique acerbe de l’industrie (2 min 48)
- YA TENGO SENTIMIENTOS – trap hispanophone (2 min 51)
- Frère – lettre ouverte au cercle intime (3 min 19)
- VIE OLENCE – chaos industriel et jeux de mots (2 min 56)
- T’es mon DÉL – cloud rap intimiste (2 min 45)
- Police – dénonciation des violences policières (3 min 02)
- Fibonacci – structure rimique fondée sur la suite mathématique (3 min 11)
- MAMILĀH – virage soul-trap (3 min 40)
- KAKI – conclusion guerrière (3 min 23)
Cet enchaînement forme un arc narratif qui commence dans le repentir (« Impardonnable ») et se ferme sur la résilience (« KAKI »), reflétant la boucle voulue par l’artiste.
Production musicale : entre G-Funk et trap alternative
Enregistré entre Bruxelles et Kinshasa, BĒYĀH fusionne nappes synthétiques G-Funk, batteries trap minimalistes et éclats de rumba congolaise. Le duo de beatmakers Phasm / Parker signe huit titres, tandis que Dibessa offre une touche de guitare soukous sur « Wolof ». Certaines mesures en 6/8 évoquent la poésie wolof, et l’utilisation d’une basse Moog saturée – déjà entendue sur « Débrouillard » – renforce l’identité sonore. Selon Fun Radio Belgique, le mixage a été finalisé à Los Angeles, ce qui explique la spatialisation très large des voix.
Le court-métrage R•E•M : Episode 00
Le 17 mai 2025, Damso monte les marches du Festival de Cannes pour présenter R•E•M : Episode 00, un court-métrage dystopique de quatorze minutes coréalisé avec Chris Derou. Chaque scène renvoie à une piste spécifique : laboratoire transhumaniste pour « Magic », archives familiales super-8 pour « MAMILĀH », néons futuristes pour « VIE OLENCE ». La projection, couplée à une expérience AR via des lunettes Ray-Ban | Meta, a fait sensation, comme le montre la vidéo TikTok publiée le soir-même (voir l’extrait). Trois jours plus tard, BFM TV qualifie l’objet de « pont entre cinéma et rap francophone ».
Chiffres de streaming et impact commercial
Moins de 24 heures après sa mise en ligne, BĒYĀH occupe simultanément la première place du top Apple Music dans quinze pays – France, Belgique, Suisse et plusieurs nations africaines – d’après les statistiques agrégées par la plateforme Kworb. Sur Spotify, le compteur de la page artiste Damso dépasse les 6 millions d’écoutes quotidiennes, tandis que la chanson « Impardonnable » se hisse dans le Top 50 global dès midi. À titre de comparaison, c’est un démarrage supérieur à celui de QALF ∞ (+18 %) et de Ipséité (+34 %). Des projections internes de la SNEP misent déjà sur un disque d’or en moins de dix jours.
Premières réactions de la critique et des fans
La presse spécialisée salue unanimement l’album. Fun Radio Belgique parle d’un « shot d’émotion brute qui rappelle la sincérité d’Ipséité » ; le site ABCDR du Son souligne la « maîtrise narrative rare ». Côté fans, le thread r/hiphopheads atteint 2 000 commentaires en douze heures. Sur X, le hashtag #BĒYĀH comptabilise 1,6 million de tweets, selon l’outil d’analyse Talkwalker. Le consensus : Damso réussit à se renouveler tout en restant fidèle à sa plume introspective.
Que signifie BĒYĀH pour l’avenir de Damso ?
Depuis 2017, Damso évoque son désir de se retirer du rap pour explorer le design et la bande originale de films. Dans l’entretien précité accordé au Monde, il expliquait vouloir « redevenir élève ». Pour autant, lors de la listening-party privée au Trianon (Paris), il nuance : « Je ne ferme pas la porte à la musique, mais je ferme la porte au format album. » Plusieurs observateurs prédisent un passage vers des EP conceptuels, des bandes sonores ou la production pour d’autres artistes. Quoi qu’il en soit, BĒYĀH fonctionne déjà comme un manifeste esthétique dont l’influence dépassera probablement 2025.
Conclusion : un adieu… ou un simple au revoir ?
BĒYĀH synthétise dix ans d'évolution artistique : de la noirceur de Batterie Faible à l’afro-futurisme de ce dernier chapitre, Damso clôt un cycle tout en ouvrant de nouvelles perspectives. Entre introspection sans filtre, expérimentation technologique et storytelling cinématographique, l’album s’impose déjà comme l’événement rap francophone majeur de 2025. Qu’il s’agisse d’un point final ou d’un point de suspension, une chose est sûre : William Kalubi Mwamba laisse une empreinte indélébile sur le paysage musical.